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L’immigration au centre des prochaines élections au Royaume-Uni

Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous intéressons aux élections prochaines au Royaume-Uni. La vague patriote qui a touché l’Union européenne lors des dernières élections européennes pourrait atteindre prochainement le Royaume-Uni à l’occasion des élections générales qui auront lieu le 4 juillet prochain, 8 mois avant la date initialement prévue.

Regardez la vidéo :

La vie politique britannique

La situation au Royaume-Uni est très stable depuis quasiment un siècle. Deux partis politiques dominent le paysage politique : à droite, le Parti conservateur, équivalent britannique des Républicains en France ou du Parti populaire européen, et à gauche, le Parti travailliste affilié au Parti socialiste européen. Cette très grande stabilité politique s’explique par les spécificités du système électoral britannique. Il s’agit d’une élection uninominale à un tour, c’est-à-dire que dans chaque circonscription, le parti qui arrive en tête emporte la circonscription, ce qui encourage un mécanisme de vote utile. En effet, si dans une circonscription un parti de droite obtenait 35% des voix et derrière lui deux partis de gauche obtenaient chacun 30% des suffrages, c’est le candidat de droite qui serait élu. Dans ces conditions, il est très difficile pour un nouveau parti d’émerger, car les électeurs craignent qu’une dispersion des votes ne donne la victoire au camp opposé. Et il est très difficile pour un parti d’obtenir des élus, car même un parti obtenant 15% ou 20% des suffrages risque de n’être premier dans aucune circonscription et donc de n’obtenir aucun élu. D’autres partis existent néanmoins au Royaume-Uni, mais peinent à influer sur le débat public comme le Parti libéral-démocrate au centre ou le Parti vert. A noter néanmoins l’existence de partis nationalistes locaux, notamment en Écosse ou en Irlande du Nord, qui parviennent à contester localement le leadership des travaillistes et des conservateurs.

L’échec des conservateurs

Les conservateurs dirigent le pays depuis 2010 et en 2019, leur nouveau leader, Boris Johnson, avait remporté les élections en impulsant une ligne populiste suite à la victoire du Brexit. Très populaire, son discours plus social et très ferme sur l’immigration et la souveraineté lui avait permis de récupérer un électorat ouvrier du nord de l’Angleterre historiquement acquis aux travaillistes. Mais, petit à petit, Premier ministre après Premier ministre, la popularité des conservateurs s’est effritée jusqu’à leur déroute aux élections locales en mai 2024. Devant l’échec des conservateurs et face à l’impopularité de son gouvernement, le Premier ministre Rishi Sunak a tenté un coup de poker en convoquant des élections anticipées pour essayer de prendre de vitesse ses opposants travaillistes. L’impopularité des conservateurs s’explique en grande partie par l’abandon de la ligne populiste de Boris Johnson. Face à l’establishment conservateur, Boris Johnson avait réussi à imposer sa propre ligne, combinant un discours patriotique (défense du Brexit et lutte contre l’immigration) et un discours social (défense des services publics, défense du pouvoir d’achat) qui tranchait avec le discours habituel très libéral des conservateurs. Sa situation au sein du parti conservateur n’était pas sans rappeler celle de Donald Trump aux Etats-Unis. Néanmoins, la gestion du Covid par Boris Johnson avait ébranlé sa popularité et le Partygate, la révélation de l’organisation de fêtes illégales par différents leaders conservateurs pendant la période Covid et le confirment, avait mené à la démission de Boris Johnson.

Le départ de Boris Johnson s’est accompagné par un effondrement des conservateurs dans les sondages. Ce désamour pour les conservateurs s’explique en partie par l’usure du pouvoir. Après 14 ans à la tête du Royaume-Uni, les conservateurs apparaissent comme usés auprès d’une population qui souhaite du changement.  Mais il y a une raison plus profondes. Une partie de la population a le sentiment que les promesses du Brexit ont été trahies. Les défenseurs du Brexit avaient fait campagne sur la défense des services publics, notamment du NHS, le service de santé britannique et sur la défense de l’identité britannique, notamment face à l’immigration. Le discours de Boris Johnson traduisant ces aspirations. Or, sa défaite a conduit à un retour au pouvoir de l’establishment conservateur au sein du Parti. Ce dernier a impulsé un abandon de la ligne populiste pour revenir à un discours beaucoup plus libéral. Cette ligne a été d’abord portée par Liz Truss devenue Premier ministre après Boris Johnson, mais qui n’est restée au pouvoir que 49 jours du fait de sa très forte impopularité. Son successeur, Rishi Sunak, s’est inscrit dans la continuité de son programme libéral auquel il a adjoint une forte critique de l’immigration. Cependant, ce discours anti-immigration n’a que peu été appliqué. Ainsi, non seulement l’immigration augmente sous les gouvernements conservateurs successifs, mais en plus, on observe un basculement d’une immigration d’origine européenne, notamment d’Europe de l’Est, vers une immigration venue du Commonwealth, et notamment du Pakistan. Dans le même temps, le tournant libéral du Parti conservateur lui a fait perdre les voix des ouvriers du nord qui sont retournés au Parti travailliste. Tous ces éléments font que petit à petit commence à se développer dans la population l’idée que les conservateurs n’ont pas été capables de concrétiser les espoirs post-Brexit, même s’il est vrai que Rishi Sunak bénéficie ces derniers mois d’une certaine reprise économique et a annoncé des mesures anti-immigration plus fermes.

L’évolution du Parti travailliste

Dans le même temps, le Parti travailliste connaît des évolutions importantes. Sous la direction de Jeremy Corbyn, le Parti travailliste avait suivi une évolution assez proche de celle de La France Insoumise en France, très à gauche au niveau économique (Jeremy Corbyn est un marxiste revendiqué) et très communautariste, notamment vis à vis des populations immigrés musulmanes. A l’image de Jean-Luc Mélenchon, Jeremy Corbyn a d’ailleurs été accusé à de nombreuses reprises de cultiver une forme d’antisémitisme visant à aller conquérir l’électorat musulman. Son échec en 2019 a entraîné sa démission de la direction du parti et un virage important dans la ligne de ce dernier. Le nouveau secrétaire général du Parti travailliste, Keir Stermer a abandonné une bonne partie du programme économique de gauche de son prédécesseur pour adopter un programme de centre-gauche social-libéral. Dans le même temps, il s’est emparé des questions de sécurité, d’immigration et de retour de l’ordre. Pour récupérer l’électorat ouvrier, Keir Stermer a assumé un discours critique de l’immigration, influencé en cela par le Blue Labour, un think-tank de gauche patriote au sein du Parti travailliste. Le Parti travailliste se positionne donc de plus en plus comme un parti centriste anti-immigration. Cette stratégie semble payante, le Parti travailliste étant très bien parti pour diriger le pays à l’issu des prochaines élections même s’il est à noter que les dernières élections locales ont vu l’émergence de candidatures communautaristes, voire islamistes, qui ont bénéficier de ce recentrage des travaillistes. Ces candidats ont été élus sur les listes du Parti vert, comme indépendants ou au sein de nouveaux partis, à l’image du Parti des travailleurs qui est parvenu à faire élire son président, George Galloway, lors d’une élection législative partielle en faisant campagne sur le soutien à la Palestine dans une circonscription marquée par l’immigration et qui assume un discours proche de celui de Jeremy Corbyn.

Le retour de Nigel Farage

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Cet abandon du discours populiste par les conservateurs a créé un espace politique dont s’est emparé le Parti de la réforme de Nigel Farage. À l’origine courtier en commodités et animateur de radio, Nigel Farage est le leader souverainiste qui a mené la campagne victorieuse du Brexit en 2016. Il s’était ensuite retiré de la vie politique après la victoire du Brexit considérant que sa mission, et donc sa vie politique, était terminée avec la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Il était néanmoins revenu en 2019 lors des élections européennes puis législatives pour défendre le Brexit dans un contexte où la direction conservatrice ne semblait pas capable de mener correctement les négociations pour le Brexit. Lorsque Boris Johnson était arrivé à la tête du Parti conservateur en défendant une ligne plus dure sur le Brexit, il s’était de nouveau retiré de la vie politique. Il a cependant fini par revenir à la tête de son parti, le Parti de la réforme, du fait de l’échec des conservateurs. Ainsi, cela faisait des mois qu’il multipliait les déclarations critiques vis-à-vis du gouvernement conservateur et qu’il exprimait son envie de revenir en politique. Nigel Farage est très populaire au Royaume-Uni, notamment au sein de la droite. Il est une personnalité très médiatique ce qui lui permet de maintenir cette image un peu de star au Royaume-Uni : assez récemment, il est apparu dans une émission de télé-réalité, semblable à un Koh Lanta pour célébrités.

Nigel Farage incarne pour beaucoup la fidélité aux promesses du Brexit. Ses interventions critiquent le gouvernement conservateur et cherchent à faire comprendre que les problèmes que peuvent rencontrer les Britanniques ne sont pas liés au Brexit mais bien à la gestion des conservateurs. Le Brexit permettait aux Britanniques de se ressaisir de la politique, d’être de nouveaux maîtres chez eux. Ensuite, c’est aux gouvernants de mener le pays dans la bonne direction. Nigel Farage se présente aux élections sur un programme patriote et populiste, assez proche de celui du Rassemblement National en France ou d’Identité et Démocratie en Europe. Le Parti de la réforme assume la rupture avec le clivage droite/gauche. Il s’est notamment allié avec le Parti Social-démocrate britannique, un petit parti de gauche anti-immigration et anti-woke dont la devise « Famille, Communauté, Nation » tranche avec la gauche classique.

Le Parti de la réforme cherche à remplacer le Parti conservateur dont la défaite semble assurer. Les derniers sondages le place à quelques points de ses rivaux. Le retour de Nigel Farage pourrait avoir un vrai impact dans la vie politique britannique. Il peut aller chercher un électorat populaire qui s’était détourné des conservateurs pour revenir au Parti travailliste. Sur les questions d’immigration, il porte un discours très critique des politiques migratoires des conservateurs. Sur ce point, il répond à une attente d’une partie de l’électorat populaire et de l’électorat de droite. Néanmoins, sur l’économie, les choses pourraient être plus compliquées. Les partisans du Brexit espéraient une politique de défense services publics et du pouvoir d’achat. Or, Nigel Farage est un libertarien dont le programme libéral est proche de celui des conservateurs. Cependant, un espace politique s’est ouvert pour lui avec l’effondrement des conservateurs. En effet, ces derniers semblent condamnés à la défaite, ce qui pourrait affaiblir le vote utile.

Les élections de juillet et leurs conséquences

D’après les sondages, les travaillistes devraient remporter ces élections, non seulement en Angleterre, mais aussi en Écosse, ce qui serait une grande victoire pour eux, l’Écosse étant dominée depuis 2015 par les indépendantistes du Parti national écossais. Néanmoins, il est probable que les travaillistes finissent par décevoir, car les promesses de lutte contre l’immigration et l’insécurité de Keir Stermer risquent de rencontrer une forte opposition de la base du Parti travailliste qui reste attachée au discours classique de la gauche sur le sujet. Un échec des travaillistes offrirait un boulevard à Nigel Farage. Dans tous les cas, il est à noter que la remise en cause de l’immigration semble devenir un marqueur commun à la plupart des forces politiques du pays. Même en Écosse, où le Parti national écossais est traditionnellement de centre-gauche, les choses pourraient évoluer rapidement. Ainsi, la figure montante du parti, Kate Forbes, se démarque par un discours de gauche sur les questions économiques mais très conservateur sur les questions culturelles. Si Nigel Farage réussit son pari, il pourrait enfin mettre fin au bipartisme qui domine jusqu’à présent la vie politique britannique et provoquer un basculement du clivage gauche/droite vers un clivage patriote/mondialiste opposant son parti à un Parti travailliste en voie de centrisation.

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