Risques d’embrasement en Bosnie et au Kosovo
Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous penchons sur les tensions en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo-Metohija, suite au voyage d’étude de la Fondation ID dans les Balkans.
Regardez la vidéo :
La Fondation ID revient d’un voyage d’études dans les Balkans, pouvez-vous nous dire pourquoi avoir choisi cette destination ?
Tout d’abord, les Balkans sont régulièrement évoqués pour un possible élargissement de l’Union européenne. Ensuite, les dangers qui touchent cette région ont des conséquences sur le reste de l’Europe. On peut penser tout d’abord au risque mafieux. Les mafias albanaises et bosniaques étendent leurs activités dans l’ensemble de l’Union européenne. À cette question, s’ajoute la problématique islamiste. La Bosnie et le Kosovo sont en train de devenir des foyers islamistes en Europe. Dans le cas de la Bosnie, l’implantation des Frères Musulmans est ancienne et la guerre de Bosnie avait vu des milliers de combattants djihadistes étrangers venir combattre aux côtés des nationalistes bosniaques, djihadistes qui sont ensuite restés dans le pays. Dans le cas du Kosovo, cette montée de l’islamisme est plus récente mais tout aussi inquiétante. De nombreux Albanais et Bosniaques ont ainsi rejoint les rangs de l’État Islamique. Enfin, cette région constitue une forme de laboratoire de l’Europe de demain. Si nous ne faisons rien, ce qu’il s’est passé dans les Balkans risque de se reproduire dans le reste de l’Europe avec la montée des tensions intercommunautaires. Dans les années qui viennent, les Balkans risquent de devenir un enjeu central pour le reste de l’Europe.
Et quels pays des Balkans avez-vous visité ?
Nous avons visité la Bosnie-Herzégovine, et plus précisément la République serbe, ainsi que la région serbe de Kosovo-et-Métochie. Ces deux régions sont celles où les tensions persistent le plus avec des affrontements entre islam et christianisme. Au Kosovo, les nationalistes albanais ont déclaré l’indépendance en 2008, mais cette indépendance n’est pas reconnue par la communauté internationale. L’ONU et la majorité des pays continuent à considérer que cette région fait partie de la Serbie. De plus, il reste environ 5 % de Serbes qui sont majoritaires dans le nord du pays, refusent l’indépendance et restent fidèles à la Serbie qui ne reconnaît pas l’indépendance du Kosovo. Les tensions sont donc très fortes. En Bosnie, la situation est un peu différente car depuis la fin de la guerre, les Accords de Dayton ont divisé le pays en deux entités, d’un côté la République serbe majoritairement serbe et chrétienne et de l’autre la Fédération de Bosnie-Herzégovine majoritairement musulmane. Officiellement, ces deux entités sont sur un pied d’égalité et la Bosnie est un état fédéral. Mais le Haut représentant international en Bosnie-Herzégovine normalement chargé de veiller à la bonne entente entre les communautés favorise régulièrement les Bosniaques musulmans. Cela provoque une montée des tensions et une tentation de plus en plus forte des Serbes de Bosnie de réclamer l’indépendance pour leur République. Au sein de la poudrière que constituent les Balkans, ces deux pays pourraient bien constituer les allumettes menant à un embrasement généralisé.
Qu’est-ce qui explique la situation explosive dans ces deux pays ?
Ces deux pays sont nés de la dissolution de la Yougoslavie, état multiconfessionnel et multiethnique né après la Première Guerre mondiale. À partir des années 1980, les nationalistes des différents peuples qui constituaient la Yougoslavie ont commencé à remettre en cause l’état central. Cela a conduit à une dissolution du pays dans les années 1990 et à une guerre opposant deux camps : d’un côté les Serbes qui constituaient la communauté la plus nombreuse et la plus puissante en Yougoslavie et cherchaient à bâtir une Grande Serbie en rassemblant tous les territoires où ils étaient présents et de l’autre les nationalistes des autres communautés, Croates, Slovènes, Albanais, Bosniaques, Macédoniens, qui ont cherché à obtenir l’indépendance de leur pays. Les Serbes ont été vaincus du fait de l’intervention occidentale, et notamment de l’intervention américaine, ce qui a créé les nouveaux états que nous connaissons aujourd’hui. Néanmoins, la défaite des Serbes n’a pas réglé tous les soucis dans la région, car de nombreux Serbes se sont retrouvés minoritaires en dehors de la République de Serbie, à l’image des Serbes du Kosovo et de Bosnie.
Et quelle est la situation de ces Serbes ?
La situation est assez différente. En Bosnie, elle est plutôt bonne, car ils bénéficient d’une république autonome. Néanmoins, cette situation est assez précaire, car les Etats-Unis et l’Union européenne favorisent le camp bosniaque et cherche à réduire les marges de manœuvre de la République serbe. On peut citer le fait que normalement, selon la constitution, pour qu’une loi soit validée, il faut à la fois un vote du parlement bosniaque fédéral et des deux parlements fédérés. Or, le Haut représentant international s’octroie régulièrement le droit de passer outre le veto serbe. Au final, les Serbes sont les seuls à réellement défendre les Accords de Dayton qui leur avaient pourtant été imposés suite à leur défaite, là où de nombreux Bosniaques voudraient remettre en cause l’autonomie des Serbes et le caractère fédéral du pays ce qui leur permettrait d’imposer leur volonté aux Serbes et aux Croates. Au Kosovo, la situation est beaucoup plus dure. Dans le nord du pays où les Serbes sont majoritaires, leur situation est déjà compliquée, mais elle est encore pire dans les enclaves en territoires albanais musulmans où les Serbes sont régulièrement attaqués. Nous sommes passés par plusieurs de ces enclaves et il n’est pas rare de voir des monuments aux morts commémorant des civils serbes assassinés en toute impunité par des Albanais. Il y a une volonté visible des Albanais de chasser les Serbes, de mener une épuration ethnique dans la région pour créer un état homogène ethniquement. Nous avons ainsi visité le monastère de Visoki Dečani classé au patrimoine mondial de l’UNESCO et qui est régulièrement attaqué par les Albanais, attaques qui vont de tags à la gloire de Daesh ou de l’UCK, l’organisation terroriste qui a provoqué la guerre du Kosovo, aux tirs de mortier. Le monastère est d’ailleurs protégé par l’armée. Il y a au Kosovo une vraie menace pour l’existence même de cette minorité chrétienne serbe et les Serbes de Bosnie craignent de se retrouver dans la situation des Serbes du Kosovo.
Et comment se positionne l’Occident dans ce conflit ?
Les Etats-Unis et l’Union européenne continuent de soutenir les musulmans de Bosnie et du Kosovo. Il y a d’ailleurs une très grande hypocrisie des Occidentaux qui soutiennent les séparatistes albanais du Kosovo, mais condamnent les Serbes de Bosnie quand ces derniers menacent de déclarer leur indépendance si leurs droits ne sont pas respectés. Ce soutien perdure malgré le développement de l’islamisme dans ces deux régions et l’influence croissante de la Turquie qui cherche à s’implanter dans les Balkans. En s’alignant entièrement sur les intérêts et l’agenda américain, l’Union européenne en vient à abandonner une nation européenne et chrétienne face à la menace islamiste.