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Élections en Croatie : libéraux et patriotes face à face

Mercredi 17 avril se déroulaient les élections anticipées en Croatie. Convoquées par l’Union démocratique croate au pouvoir depuis 2015, mais affaiblie par les scandales de corruption, ces élections ont vu s’opposer deux visions diamétralement opposées : d’un côté, les partisans du maintien de l’alignement croate sur les politiques de la Commission européenne et de l’autre les soutiens d’une rupture avec von der Leyen.

 

La domination de l’Union démocratique croate

 

Depuis l’indépendance de la Croatie qui a suivi la fin du communisme et le démantèlement de la Yougoslavie, l’Union démocratique croate (HDZ) est la principale force politique du pays. Fondé clandestinement en 1989 en Yougoslavie par Franjo Tuđman, père de l’indépendance croate, le HDZ était à sa fondation un parti nationaliste croate et anti-communiste visant à obtenir l’indépendance de la Croatie. C’est lui qui l’obtint finalement en 1991 après la guerre des Balkans et la victoire des nationalistes croates et bosniaques. Cette victoire a assuré un grand prestige au parti qui a dirigé la Croatie pendant 26 ans sur 33 depuis les premières élections libres en 1990. Face à lui, se sont succédés plusieurs partis jusqu’à l’émergence dans les années 2000 du Parti social-démocrate de Croatie (SPD), issu de l’ancien Parti communiste, qui s’est imposé depuis comme la principale force d’opposition au HDZ et a dirigé le pays pendant 7 ans. Depuis 2016, le HDZ dirige le pays en coalition avec de petits partis centristes et son dirigeant, Andrej Plenković, est Premier ministre du pays. A l’inverse, le candidat du SPD, Zoran Milanović, est parvenu à remporter les élections présidentielles en 2020 devenant ainsi la principale figure de l’opposition au HDZ.

 

Les évolutions idéologiques du SPD et du HDZ

 

L’exercice du pouvoir a transformé le HDZ. D’un parti nationaliste flirtant parfois avec l’extrémisme (son fondateur fut accusé d’antisémitisme, de négationnisme et de sympathies pour le régime fasciste des Oustachis qui dirigea la Croatie pendant la Seconde Guerre mondiale et collabora avec les nazis), il est devenu progressivement un parti de centre-droit, libéral et pro-européen. Son dirigeant actuel, Andrej Plenković, est l’incarnation de cette évolution et de cette ligne, loyale à Bruxelles et plus à l’aise avec les centristes qu’avec les nationalistes.

 

De son côté, le SPD a connu une évolution inverse. Sous l’influence du président Zoran Milanović, ce parti de centre-gauche tend à devenir un parti de gauche populiste et patriote, critique de l’immigration et des politiques de Bruxelles et enclin à regarder du côté de la Hongrie, voire de la Russie. En cela, il se rapproche des partis sociaux-démocrates roumains, slovaques ou encore bulgares qui se caractérisent par un discours économiquement de gauche, mais culturellement de droite, notamment sur les questions d’immigration. À cela, s’ajoute une certaine sympathie pour Moscou, sympathie qui s’explique tout autant par leur opposition aux politiques de la Commission européenne que par le fait qu’il s’agit à chaque fois de l’ancien Parti communiste devenu « social-démocrate » à la chute de l’URSS.

 

L’émergence d’une droite patriote et d’une gauche libérale

 

La centrisation du HDZ, de même que la disparition progressive du Parti paysan croate, a laissé un espace politique dans lequel les patriotes se sont engouffrés. En 2020, le musicien nationaliste Miroslav Škoro se présentait aux élections présidentielles comme candidat indépendant et manquait de peu le second tour avec 24,75% des voix contre 26,98% pour le HDZ et 29,91% pour le SPD. Plus intéressant encore, Miroslav Škoro était premier chez les 18-29 ans avec plus de 30% des voix et devant le HDZ chez les 30-44 ans. Seul le vote massif des plus de 60 ans pour le SPD et dans une moindre mesure pour le HDZ l’a empêché d’atteindre le second tour. Lors des élections législatives qui ont suivi, son nouveau parti, le Mouvement patriotique proche du Parti Identité et Démocratie, a échoué a réitéré l’exploit, mais est tout de même parvenu à se hisser à la troisième place avec 11% juste devant Le Pont, un parti populiste proche d’ECR. Le départ de Miroslav Škoro du parti qu’il avait fondé du fait de tensions au sein de la direction a néanmoins le camp national en Croatie.

 

De la même manière, le discours populiste du SPD a permis l’émergence d’un nouveau parti de gauche. Fondé en 2019, Nous Pouvons est un parti de gauche écologiste et progressiste qui est parvenu à remporter la mairie de la capitale croate Zagreb en 2021 avec 41% dès le premier tour et 64% au second. Membre du Parti Vert Européen, il incarne un centre-gauche progressiste et urbain identique à ce que nous pouvons trouver en Europe de l’Ouest.

 

Un résultat indécis

 

Malgré sa popularité, le HDZ a vu son pouvoir s’éroder du fait de la multiplication des affaires de corruption touchant ses cadres et notamment ses ministres. La nomination d’un homme accusé de lien avec des hommes d’affaires et des politiques corrompus, Ivan Turudić, comme Procureur général a entraîné la colère de l’opposition et des manifestations dans le pays. Pour éviter de trop lourdes conséquences pour son parti, le Premier ministre Andrej Plenković a déclenché de nouvelles élections quelques mois avant la date initialement prévue. La question des problèmes de corruption du HDZ a été la principale attaque des oppositions contre le HDZ tandis qu’à l’inverse, ce dernier accusait le SPD d’être vendu aux Russes. Le SPD avait annoncé avant les élections être prêt à gouverner aussi bien avec les écologistes qu’avec les nationalistes.

 

Avec 34 ,4%, le HDZ reste le premier parti, mais connaît un net recul (-6 sièges). De son côté, le SPD et ses alliés, regroupés au sein des Fleuves de Justice, progressent légèrement avec 25,4% des voix. Le Mouvement patriotique confirme sa place de troisième parti (9,6%) devant les écologistes (9,1%) et les populistes (8%). La situation est donc compliquée, car aucun camp n’a de majorité. Le HDZ ne peut gouverner seul et de son côté le SPD ne peut proposer de majorité alternative, ni avec les écologistes, ni avec les nationalistes. Une alliance SPD-Écologistes-Nationaliste ou une coalition entre le HDZ et les nationalistes étant toutes deux improbables, la situation semble bloquée. Trois scénarios semblent donc les plus probables : un gouvernement sans majorité, une alliance libérale entre le HDZ et les écologistes ou de nouvelles élections. Dans tous les cas, ces élections marquent un renforcement du courant patriote en Croatie et le début d’un effacement du clivage gauche-droite au profit du clivage patriote-mondialiste que l’on trouve dans de plus en plus de pays d’Europe.

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