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Élections en Macédoine du Nord : percée des nationalistes

Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous intéressons à l’élection présidentielle en Macédoine du Nord.

 

Regardez la vidéo :

 

La semaine dernière s’est déroulé le premier tour des élections présidentielles en Macédoine du Nord. Candidat à sa réélection, le président sortant Stevo Pendarovski arrive deuxième (20,48%) et affronte au second tour le 8 mai Gordana Siljanovska-Davkova, candidate malheureuse face à lui au second tour de l’élection présidentielle précédente, qui arrive cette fois-ci largement en tête lors du premier tour (41,20%). Des élections législatives sont organisées en même temps que le second tour.

 

La situation politique en Macédoine du Nord

 

Ce petit pays des Balkans situé au nord de la Grèce est dominé par deux grandes forces politiques : d’un côté une force de gauche progressiste favorable à l’Union européenne et à l’OTAN, l’Union sociale-démocrate de Macédoine (SDSM) qui a remporté les élections en 2016 et qui est au pouvoir depuis et de l’autre, un parti de droite nationaliste, l’Organisation révolutionnaire macédonienne intérieure qui est plus connue sous son acronyme de VMRO.

 

Le VMRO est une organisation nationaliste qui a beaucoup évolué depuis sa fondation en 1990. En effet, la Macédoine du Nord est un pays récent, né de la dislocation de la Yougoslavie, et qui peine à définir son identité. Petit pays situé au carrefour entre différents grands ensembles culturels, la Macédoine du Nord a subi de nombreuses migrations et de nombreuses influences extérieurs. Par ailleurs, c’est un pays multiculturel où les Macédoniens ne représentent que 60% de la population contre 24% par exemple pour les Albanais. Cela se ressent dans le discours nationaliste macédonien. Au panslavisme et au yougoslavisme qui dominait le pays pendant la période communiste ont succédé des nationalismes antagonistes. Les bulgarophiles s’appuient sur la nature slave de la langue macédonienne et sur la proximité entre le bulgare et le macédonien pour appeler à un rapprochement, voir à une réunification avec la Bulgarie voisine. À l’inverse, les partisans de l’Antiquisation s’appuient sur la position géographique du pays pour revendiquer l’héritage des anciens Macédoniens et notamment d’Alexandre le Grand. Cette revendication est rejetée par la Grèce qui y voit une appropriation de son histoire par un peuple slave et a toujours refusé de reconnaître le pays sous son ancien nom de République de Macédoine. En 2018, l’accord de Prespa passé entre la Grèce et le gouvernement de gauche de la Macédoine du Nord met fin à la dispute entre les deux pays. La République de Macédoine devient la République de Macédoine du Nord et reconnaît l’absence de lien avec l’ancienne Macédoine ainsi que le caractère slave de la langue et du peuple macédonien.

 

Les évolutions des nationalistes du VMRO s’inscrivent dans ces débats. Au départ modéré, bulgarophile, pro-européen et pro-américain, le VMRO s’est radicalisé lors de sa prise du pouvoir en 2006. Il est alors devenu un parti ultranationaliste, favorable à la Serbie et à la Russie, opposé à l’Union européenne et à l’OTAN et fer de lance de l’antiquisation. Depuis sa défaite en 2016, le VMRO s’est plutôt réorientée vers un parti de centre-droit favorable à l’Union européenne, libéral-conservateur et favorable à l’OTAN même si une tentation de revenir sur un discours beaucoup plus nationaliste apparaît ces dernières années, notamment dans le contexte de l’Accord de Prespa passé à la Grèce que le VMRO voit comme une trahison, signe qu’il n’a pas complétement abandonné son soutien à l’antiquisation.

 

À ces deux forces politiques, il faut rajouter une troisième réalité qui est l’importance de la communauté albanaise. En effet, cette communauté musulmane représente entre 25 et 30% de la population de Macédoine et les partis politiques qui la représentent constituent une force politique de premier plan capable de faire ou de défaire les majorités. Ces trois forces politiques (la gauche sociale-démocrate, la droite nationaliste et les partis de la minorité albanaise) étaient les principales forces à concourir pour ces élections présidentielles.

 

Les enjeux de ces élections

 

Le premier enjeu de cette élection est la question de la relation avec l’Union européenne et l’OTAN puisque la Macédoine désire intégrer l’Union européenne à terme et se réorienter sur un positionnement pro-occidental. Viennent ensuite les problèmes de corruption endémique qui touchent le pays et qui constituent un argument de poids pour le VMRO de droite qui accuse régulièrement le parti social-démocrate au pouvoir de corruption. La relation avec les minorités constitue aussi un enjeu important du fait des tensions entre la minorité albanaise et la majorité macédonienne. En 2001, les Albanais avaient mené une guerre d’indépendance pour essayer de séparer la partie albanaise de la Macédoine et éventuellement de se rattacher à l’Albanie. Depuis, l’albanais est considéré comme langue co-officielle avec le macédonien, mais les tensions subsistent. Enfin et surtout, la question de l’identité macédonienne est loin d’avoir été tranchée par l’Accord de Prespa. Cet accord signé par la gauche est rejeté par le VMRO qui le considère comme une ingérence de la Grèce et continue de revendiquer une identité antique macédonienne. De très forts débats autour de l’identité macédonienne persistent, et c’est un des grands arguments du VMRO contre la gauche qu’il accuse d’avoir complètement abandonné l’identité macédonienne. À l’inverse, les socio-démocrates accusent le VMRO de menacer les relations avec la Grèce et la Bulgarie et donc une future adhésion du pays à l’Union européenne et de vouloir rapprocher le pays de la Serbie et de la Russie.

 

Les résultats du premier tour

 

La droite a remporté ces élections avec plus de 41%, ce qui a été une surprise. En face, le parti social-démocrate, a réalisé un score très décevant avec 20,5% des voix. Les Albanais confirment leur position de faiseur de roi puisque les deux partis albanais cumulent environ 23% des voix au premier tour. Pour la droite nationaliste, la bonne surprise est l’émergence d’une force nationaliste de gauche. Deux partis nationalistes de gauche ont réalisé ensemble 15% des voix. Le second tour va donc s’annoncer difficile pour la droite, mais celle-ci pourrait remporter les élections.

 

Il est important de noter que le second tour des élections présidentielles aura lieu en même temps que les élections législatives, au moment où toute la vie politique macédonienne sera déterminée. Pendant longtemps, la droite nationaliste était assez isolée, les partis albanais étant plutôt favorables à la gauche du fait du discours nationaliste du VMRO perçu comme hostile envers les minorités et surtout la minorité albanaise. L’émergence de forces nationalistes de gauche pourrait permettre de désenclaver le VMRO et un gouvernement regroupant des nationalistes de droite et de gauche pourrait permettre au VMRO de gouverner le pays sans l’aide des Albanais.

 

Les enjeux pour l’Europe

 

Ces élections comportent de gros enjeux pour l’Europe. L’arrivée au pouvoir du VMRO pourrait ralentir l’adhésion de la Macédoine du Nord à l’Union européenne, voir renfoncer l’émergence d’un bloc anti-occidental dans les Balkans au vu des évolutions prises par la Serbie et la République serbe de Bosnie. Une réémergence des tensions entre la Macédoine du Nord et la Grèce pourraient aussi apparaître si jamais le VMRO venait à remettre en cause les accords passés au sujet de l’identité macédonienne et à changer les symboles du pays (notamment le drapeau et l’emblème) pour renouer avec l’antiquisation. Enfin, il ne faut pas oublier que les Balkans sont en train de devenir une poudrière, notamment du fait de la montée d’un islamo-nationalisme bosniaque et albanais alimenté par la Turquie. En Bosnie, les tensions subsistent entre les Musulmans de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et les Serbes orthodoxes de la République serbe de Bosnie tandis qu’au Kosovo, les Albanais musulmans persistent dans leur volonté d’une épuration ethnique contre les Serbes. Une victoire du VMRO pourrait réactiver les conflits très forts entre Albanais et Macédoniens et s’intégrer dans ce conflit entre les Albanais et leurs voisins chrétiens. Et il ne faut pas oublier que la Bulgarie compte 10% de Musulmans, pour la plupart turcs. L’opposition entre peuples musulmans et chrétiens dans les Balkans risque de se renforcer dans les années qui viennent et menace de provoquer un nouveau conflit aux portes de l’Europe, pour le plus grand bonheur de la Turquie.

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