Élections en Slovaquie : patriotes et mondialistes face à face
Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous penchons sur l’élection présidentielle qui vient de se dérouler en Slovaquie.
Regardez la vidéo :
Dimanche 23 mars se tenaient le premier tour des élections présidentielles en Slovaquie. Pouvez-vous nous expliquer le contexte politique dans ce pays ?
En septembre dernier, les sociaux-démocrates menés par Robert Fico avaient remporté les élections législatives avec 22,95% des voix, soit 42 sièges. Les sociaux-démocrates slovaques (SMER – Social-Démocratie, SMER-SD) constituent une gauche très différente de la gauche occidentale. Elle est patriote, souverainiste, opposée à l’immigration et à la plupart des évolutions sociétales. Elle est donc très hostile aux politiques de Bruxelles et plutôt favorable à un rapprochement avec la Russie. Cette victoire socio-démocrate avait permis de créer un gouvernement de coalition avec la droite nationaliste (Parti national slovaque, SNS, membre du Parti Identité et Démocratie) et un autre parti social-démocrate patriote de gauche (HLAS – Social-démocratie) et le retour au pouvoir de Robert Fico, leader du SMER-SD comme Premier ministre. Néanmoins, la présidence slovaque restait progressiste avec à sa tête Zuzana Čaputová du parti Slovaquie progressiste, un parti politique centriste, social-libéral, progressiste et pro-européen. La présidente slovaque est de plus très favorable à l’OTAN et est d’ailleurs envisagée comme une possible future secrétaire générale de l’OTAN. Si la plupart du pouvoir est en Slovaquie entre les mains du Premier ministre, cette présidence pouvait gêner la mise en place des mesures voulues par les sociaux-démocrates. Par conséquent, pour la gauche patriote au pouvoir, l’enjeu est de confirmer sa victoire de septembre dernier et de renverser l’un des derniers freins à sa gouvernance.
En quoi ces élections sont importantes pour le reste de l’Union Européenne ?
En Slovaquie, deux visions s’affrontent : d’un côté, le gouvernement de coalition entre la gauche patriote (SMER-SD et HLAS-SD) et la droite nationale (SNS) qui défendent une vision conservatrice, patriote, souverainiste et plutôt favorable à un rapprochement avec la Russie et de l’autre côté, le centre-droit, libéral, progressiste et pro-OTAN. Ces deux visions de la Slovaquie renvoient à deux visions de l’Europe : d’un côté, une Europe plutôt tournée vers les politiques de Bruxelles et de l’autre côté, une Europe qui soutient les politiques du groupe de Visegrad (rassemblement de quatre pays d’Europe centrale : la Pologne, la Hongrie, la Slovaquie et la Tchéquie qui sont alliées contre Bruxelles pour défendre une politique patriote, hostile envers l’immigration et favorable à la défense de la souveraineté nationale). De ce fait, une victoire des socio-démocrates à ces élections présidentielles serait une épine dans le pied de Bruxelles ainsi que de l’Ukraine puisque Robert Fico, le Premier ministre social-démocrate, est opposé à une continuation des aides à l’Ukraine. De plus, une victoire des sociaux-démocrates serait aussi une grande victoire pour Victor Orbán puisqu’aujourd’hui, la Slovaquie incarne l’un des principaux alliés de la Hongrie au sein de l’Union Européenne.
Quels sont les candidats en lice ?
Trois candidats se démarquent lors de ces élections présidentielles. D’un côté, Peter Pellegrini (HLAS – Social-démocratie) qui est l’ancien Premier ministre social-démocrate de Slovaquie (2018-2020) et est très proche de Robert Fico, actuel président du gouvernement slovaque. Il est le candidat de la coalition social-patriote au pouvoir (SMER-SD, HLAS-SD, SNS). En face de lui, Ivan Korčok est un ancien ambassadeur de Slovaquie aux Etats-Unis qui a ensuite été ministre des Affaires étrangères (2020-2021 et 2021-2022). Il a été aussi le chef de la délégation des négociations d’adhésion de la Slovaquie à l’OTAN en 2003. Il est soutenu par une coalition progressiste de libéraux, de démocrates-chrétiens et de libertariens. Il représente cette frange de la Slovaquie favorable à un discours beaucoup plus libéral, progressiste et tourné vers Bruxelles et vers l’OTAN. Ces deux candidats, Pellegrini et Korčok sont les deux principaux candidats de cette élection. En troisième homme se trouve Štefan Harabin, ancien président de la Cour suprême (1998-2003 et 2009-2014), un nationaliste soutenu par l’ensemble des partis de droite patriote, dont le SNS, ainsi que par le Parti communiste. Ainsi, le clivage en Slovaquie est entre un centre-droit libéral et une gauche patriote soutenue par la droite nationaliste.
Et quels sont les résultats du premier tour ?
Sans surprise, ce sont Pellegrini et Korčok, c’est-à-dire respectivement le candidat social-démocrate patriote de gauche et le candidat de centre-droit libéral, qui sont arrivés en tête. Cependant, ce qui a surpris les commentateurs est le score de Korčok, le candidat libéral, qui arrive en tête avec 42,5% des voix contre 37% des voix pour son opposant social-démocrate. Le second tour qui aura lieu le samedi 6 avril verra donc s’opposer d’un côté les sociaux-démocrates patriotes et de l’autre côté, un centre-droit libéral. Harabin, le candidat patriote, a réalisé 11,7% des voix et sera le faiseur des rois de ce second tour car le social-démocrate Pellegrini aura besoin des voix des patriotes pour l’emporter au second tour. Il ne faut pas non plus oublier le score relativement bon du candidat de la minorité hongroise qui a réalisé 3% des voix. Comme les sociaux-démocrates sont alliés avec la Hongrie de Victor Orban, il est fort probable que ces voix-là se tourneront aussi vers Pellegrini, le candidat social-démocrate. A l’heure actuelle, les sondages donnent Pellegrini, le candidat social-démocrate, vainqueur pour le second tour. Si c’est le cas, cela serait une victoire pour le camp patriote et un coup dur pour Bruxelles.
