Image Alt

Id Foundation

Révolte des agriculteurs : Bruxelles contre les périphéries

Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous intéressons aux révoltes agricoles qui secouent toute l’Europe.

Regardez la vidéo :

Depuis plusieurs jours, des manifestations d’agriculteurs secouent le pays, est ce que ce phénomène est limité à la France ?

La révolte des agriculteurs en France s’inscrit dans un mouvement plus large qui touche l’ensemble de l’Europe. Dès 2019, des manifestations massives avaient secoué les Pays-Bas pour protester contre de nouvelles réglementations écologiques. L’année 2023 avait été particulièrement marquée par cette révolte du monde agricole avec l’émergence du Mouvement agriculteur-citoyen qui était parvenu à devenir le premier parti du pays lors des élections sénatoriales et locales. Depuis, ce vent de révolte s’est étendu en France, en Allemagne, en Belgique, mais aussi dans des pays d’Europe de l’Est comme la Roumanie, la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Bulgarie. Et la révolte pourrait s’étendre à l’Espagne et à l’Italie. Ces manifestations en France ne sont donc pas un phénomène isolé, mais s’inscrivent dans un vaste mouvement de contestation européen.

Qu’est-ce qui peut expliquer cette colère qui touche toute l’Europe ?

Évidemment, les causes exactes peuvent varier en fonction des pays. De plus, les paysans subissent la crise qui touche tous les citoyens européens et notamment la hausse du prix de l’énergie. Mais il y a deux éléments principaux qui expliquent la colère des paysans dans toute l’Europe. Le premier, c’est la concurrence déloyale induite par le libre-échange promu par Bruxelles, phénomène qui s’est renforcé du fait de la guerre en Ukraine. Pour soutenir l’effort de guerre ukrainien, l’Union Européenne autorise l’importation de produits ukrainiens et notamment de produits agricoles. Or, ces produits sont moins chers en partie du fait qu’ils ne sont pas soumis aux mêmes normes sanitaires et environnementales. Ils mettent donc en danger les agriculteurs européens. Dans le même temps, ces derniers souffrent de la multiplication des normes administratives dictées par Bruxelles et notamment des normes environnementales. Rappelons que la révolte en Allemagne est partie d’une taxe sur le diesel tandis que le mouvement au Pays-Bas faisait suite à la volonté du gouvernement de faire baisser les émissions d’azote en réduisant les cheptels aux Pays-Bas. Au final, l’Union Européenne combine le pire du modèle libéral avec ses politiques de libre-échange et le pire de l’étatisme avec une tendance à tout vouloir réguler, surtout en ce moment avec la montée des préoccupations écologistes.

Mais ces réglementations écologistes ne sont-elles pas nécessaires ?

Évidemment, il est nécessaire de mettre en place des normes environnementales. Et il ne faut pas oublier que les agriculteurs sont souvent parmi les premières victimes des conséquences sanitaires de l’utilisation de produits dangereux. Mais avec la façon de faire de Bruxelles, nous sommes face à une double absurdité. D’un côté, les mesures sont prises sans tenir compte des paysans et de leurs besoins. Plutôt que de partir de leur expérience et de les accompagner dans les changements parfois nécessaires, les normes environnementales se font contre eux. Et de l’autre, l’Union Européenne autorise l’importation de produits qui ne respectent pas ces normes et qui sont donc moins chers et plus faciles à produire. C’est donc la double peine pour les paysans : d’un côté, ils sont pénalisés par des normes qui augmentent leurs coûts et de l’autre, ils subissent une concurrence déloyale de la part de pays qui ne respectent pas ces mêmes normes. Et les peuples ne sont pas gagnants dans cette histoire puisqu’ils se retrouvent à consommer des produits qui ne respectent pas les normes européennes. Au final, la situation est proche de celle que nous avions connue au moment de la crise des gilets jaunes qui était partie d’une hausse du prix du carburant. Les Européens sont prêts à faire des efforts, mais les politiques doivent se faire avec le peuple et non contre lui.

Vous mettez en parallèle la crise agricole actuelle et celle des gilets jaunes ?

Évidemment, il y a des différences entre ces deux mouvements qui ne portent pas les mêmes revendications et qui ont des sociologies assez différentes. Néanmoins, les deux s’inscrivent dans le même conflit entre une Europe des grandes villes et une Europe des périphéries. Les grandes villes, les métropoles, décident des politiques qui sont menées en Europe, politiques qui se font bien souvent au détriment des périphéries qui ne sont pas consultées. Le géographe Christophe Guilluy montre dans La France périphérique que les clivages politiques correspondent de plus en plus à un clivage entre les métropoles, défendues par Bruxelles et la plupart des pays européens, et les périphéries qui se tournent vers les patriotes et les populistes partout en Europe. On retrouve ce phénomène quand on s’intéresse au vote Macron et au vote Le Pen en France, à la division Brexit/Remain au Royaume-Uni ou même à l’opposition Trump/Biden aux Etats-Unis. On peut voir partout ce clivage naissant entre patriotes et mondialistes qui est l’incarnation politique de ce clivage entre les grandes villes et les périphéries.

Le clivage géographique serait devenu plus important que les clivages sociaux ?

C’est un peu plus compliqué, car dans le même temps, on peut observer une grande polarisation sociale lors des votes. Dans Bloc contre bloc, le politologue Jérôme Saintemarie montre que lors des dernières élections, les classes aisées et les classes moyennes supérieures ont massivement voté pour Emmanuel Macron tandis que les classes populaires et les classes moyennes inférieurs se sont tournées vers Marine Le Pen. Il y a donc une forme d’intersection entre critères sociaux et critères géographiques. Dans L’Age de la dualisation, le politologue Bruno Palier s’intéresse aux conséquences de la mondialisation en fonction des catégories de revenues et montre que l’on peut identifier trois catégories :

  • Les Européens les plus aisés ont tendance à voir leurs salaires augmenter du fait de la mondialisation. Il s’agit des classes supérieures qui vivent dans les grandes villes.
  • Les classes intermédiaires, populaires ou moyennes, subissent les conséquences de la mondialisation et voient leurs salaires diminuer et le chômage les menacer du fait de la concurrence déloyale et des délocalisations. De plus, à cause de l’augmentation du cout de la vie dans les grandes villes, ces populations se retrouvent de plus en plus chasser en périphérie.
  • Enfin, les Européens les plus pauvres, qui font souvent des métiers de service, bénéficient de l’augmentation de la consommation des plus aisés et du développement des métropoles. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve les classes populaires souvent issues de l’immigration et vivant dans les banlieues des métropoles.

On voit donc une cassure entre d’un côté les métropoles des grandes villes qui regroupent à la fois les classes aisées et les populations issues de l’immigration qui votent ensemble pour les partis mondialistes et de l’autre les périphéries qui regroupent les perdants de la mondialisation et qui votent massivement pour les partis patriotes. On voit partout en Europe une opposition entre d’un côté une Europe des métropoles composée des classes aisées et des immigrés qui bénéficie de la mondialisation et qui soutient les politiques mondialistes de Bruxelles, Paris ou Berlin et de l’autre une Europe des périphéries composée des classes populaires et moyennes qui soutient les partis patriotes et dont la crise agricole actuelle, comme la crise des gilets jaunes est une expression.

Bienvenue sur le site de la Fondation ID

Pour la souveraineté des États et des peuples et la coopération entre les nations.

Identité et Démocratie Fondation
75, boulevard HAUSSMANN, 75008
France

Suivez-nous

Pour toute information, merci de nous contacter.