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Taïwan : les nationalistes défient les communistes chinois

Tous les lundis matin, vous pouvez retrouver Raphaël Audouard, le directeur de la Fondation Identité et Démocratie, dans Ligne Droite, la matinale de Radio Courtoisie puis sa chronique sur notre site internet. Cette semaine, nous nous intéressons à la victoire des nationalistes taïwanais lors des dernières élections de janvier.

 

Regardez la vidéo :

 

 

Les élections de janvier dernier à Taiwan ont marqué une étape supplémentaire dans les tensions dans le Pacifique, pouvez-vous nous expliquer le contexte ?

 

Avec les conflits en Ukraine et au Moyen-Orient, on a tendance à oublier que le Pacifique est aussi une zone de tensions extrêmement importante. Cela s’explique par le fait que Taiwan est revendiquée par la Chine. En effet, une guerre civile a ravagé la Chine entre 1927 et 1949 opposant la République de Chine dirigée par le Parti Nationaliste Chinois (Kuomintang) aux rebelles du Parti communiste Chinois (PCC). Ces derniers ont fini par triompher et instaurer la République populaire de Chine, le régime qui gouverne la Chine actuelle. Les nationalistes ont alors fui la Chine continentale pour se réfugier sur l’île de Taiwan, qui faisait alors partie de la Chine. Ils y ont maintenu une République de Chine, dont ils considèrent qu’elle est le seul gouvernement légitime de toute la Chine. De son côté, la République populaire de Chine considère Taiwan comme faisant partie de son territoire. Nous avons donc un pays (la Chine) et deux gouvernements (la République populaire de Chine qui contrôle la Chine continentale et la République de Chine qui contrôle Taiwan). Au niveau international, ces deux entités sont considérées comme un seul pays et le gouvernement communiste de Pékin est reconnu aussi bien par l’ONU que par l’immense majorité des pays du monde, y compris les pays occidentaux. Nous sommes donc face à une situation paradoxale où l’Occident soutient Taiwan… tout en reconnaissant la souveraineté de Pékin sur l’île. Taiwan vit donc en permanence avec la menace d’une annexion par la Chine continentale communiste.

 

Et ces dernières années ont vu ces tensions se renforcer, n’est-ce pas ?

 

Tout à fait, la guerre en Ukraine a provoqué une montée des tensions entre la Chine, qui soutient la Russie, et les pays occidentaux, qui soutiennent l’Ukraine et Taiwan. Du côté occidental, il y a la crainte que la Chine cherche à faire avec Taiwan ce que la Russie a fait avec l’Ukraine. On a ainsi vu le 23 mai 2022, Joe Biden affirmer que les Etats-Unis étaient prêts à défendre militairement Taiwan en cas d’attaque chinoise. De même, le 2 août la présidente de la Chambre des représentants des États-Unis Nancy Pelosi s’est rendue à Taïwan pour exprimer son soutien à l’ile. En réaction, la Chine a effectué des exercices militaires massifs autour de Taiwan et pris des sanctions économiques et diplomatiques. Cette question de Taiwan est importante pour l’Europe, car en cas d’invasion de l’île par la Chine et de soutien occidental, les Européens se retrouveraient embarqués dans le conflit comme ils l’ont été pour l’Ukraine. Il est ainsi probable que dans ce cas, l’Union européenne soutienne financièrement l’armée taïwanaise et prenne des sanctions contre la Chine ce qui aurait des conséquences dramatiques pour l’économie européenne. Par ailleurs, Taiwan est le premier pays producteur de semi-conducteurs. Les élections de janvier 2024 se sont donc déroulées dans ce contexte particulièrement tendu.

 

Et quelles sont les forces politiques en présence à Taiwan ?

 

La situation politique taïwanaise est dominée par cette question du rapport à la Chine et par extension de l’identité taïwanaise. D’un côté, le Parti nationaliste chinois (Kuomintang) de droite qui a fui la Chine continentale il y a plusieurs décennies et continue de prôner un nationalisme chinois qui considère Taiwan comme le seul gouvernement légitime de toute la Chine. De l’autre le Parti démocrate progressiste (DPP) de gauche qui prône une rupture avec cette vision et défend un nationalisme taiwanais considérant Taiwan comme un pays distinct de la Chine. Il veut proclamer une « République de Taiwan » et chercher une reconnaissance internationale pour l’île. Les deux partis sont pro-occidentaux même si, du fait de son nationalisme chinois, le Kuomintang est moins hostile envers la Chine. La vie politique taïwanaise est donc dominée par cette question : est-ce que Taiwan est le vrai gouvernement de la Chine ou un pays à part entière ? Les élections de 2024 ont vu une nouvelle fois ces deux visions de Taiwan s’affronter.

 

Et qui a remporté ces élections ?

 

Lai Ching-te, candidat du Parti démocrate progressiste a remporté les élections présidentielles. Cette victoire est doublement surprenante. Tout d’abord, parce que son parti est déjà au pouvoir depuis huit ans et la plupart des commentateurs s’attendaient à ce que l’usure du pouvoir nuise aux nationalistes taïwanais. Ensuite, parce que Lai Ching-te incarne l’aile radicale du Parti démocrate progressiste. Contrairement aux modérés menés par l’ancienne présidente Tsai Ing-wen qui se contentent du statu quo actuel dans lequel ils voient une forme d’indépendance de fait, Lai Ching-te et ses partisans n’ont pas abandonné leur rêve de voir proclamer une « République de Taiwan » reconnue internationalement. Le Kuomintang de son côté a subi une double concurrence du Parti populaire taïwanais, un parti centriste qui cherche à incarner une troisième voie entre nationalistes chinois et taïwanais, et d’un candidat populiste, le milliardaire Terry Gou. Malgré le retrait de ce dernier, le Kuomintang a dû finalement s’incliner avec 33,5% des voix contre 40% pour le Parti démocrate progressiste et 26,5% pour le Parti populaire. Les nationalistes taïwanais ont par contre perdu leur majorité au Parlement et devront négocier avec les nationalistes chinois modérés du Parti populaire pour gouverner.

 

Et quelles seront les conséquences de cette victoire ?

 

Cette victoire est avant tout un défi lancé à la Chine. Alors que les communistes chinois multiplient les déclarations affirmant que Taiwan leur appartient et devra être rattachée (potentiellement pour les cent ans de la République populaire de Chine en 2049), le peuple de Taiwan a élu des nationalistes taïwanais intransigeants qui refusent tout compromis avec Pékin. Néanmoins, ce nouveau gouvernement va faire face à un triple problème. Tout d’abord, il dépend de la protection des Occidentaux. Or, au vu des débats que suscite l’aide à l’Ukraine et les sanctions contre la Russie, on peut se demander si les peuples occidentaux, et notamment les peuples d’Europe, accepteront de soutenir Taiwan si cela leur demande un sacrifice encore plus grand. Et si la volonté est là se pose la question de la capacité. Les Etats-Unis portent déjà à bout de bras l’Ukraine et Israël. La multiplication des zones d’affrontement pourrait venir à bout des capacités militaires américaines. Ensuite, les débats autour de l’identité taïwanaise et du rapport à la Chine masquent les problèmes structurant auxquels est confrontée Taiwan. La vie politique taïwanaise délaisse des sujets pourtant tout aussi importants. La question démographique, notamment, est très préoccupante. Avec 0,8 enfant par femme, Taiwan est l’un des pays avec le taux de fécondité le plus bas au monde ce qui est une menace pour l’existence même du pays à terme. Avec le vieillissement de la population, les communistes pourraient finir par annexer Taiwan sans avoir besoin de déclencher une guerre. Enfin, le nationalisme taïwanais est très vide. De gauche, civique et très progressiste, il peine à réellement proposer une identité nationale forte, alternative au nationalisme chinois du Kuomintang et du Parti communiste. Leur vision pour Taiwan semble uniquement négative, en réaction à Pékin, et cela, d’autant plus que Taiwan est de fait vassalisé par les Etats-Unis. Nation subissant une crise démographique majeure, ayant du mal à définir son identité et prise entre deux grands empires, les Etats-Unis et la Chine, Taiwan rencontre des problèmes au final assez similaires à ceux de l’Europe.

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